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Apparu sous la Révolution française, le ministère de l’Intérieur s’est peu à peu affirmé comme l’une des entités majeures qui portent l‘action publique en France. Son action s’articule autour de trois piliers : les libertés publiques, le territoire et la sécurité intérieure. Depuis la fin des années 2000, le périmètre du ministère de l’Intérieur et des Outre-mer s’est élargi avec l’arrivée de la Gendarmerie nationale. Par ailleurs, les domaines de l’immigration et de l’intégration ont été ajoutés à son champ de compétences.

Au début de la Révolution, le ministère de l’Intérieur, officiellement créé en avril-mai 1791, affirme lentement sa personnalité. Doté de compétences administratives très larges (cultes, santé, travaux publics, beaux-arts, instruction), il souffre, après l’échec de la monarchie constitutionnelle (1789-1792), des conséquences de l’instabilité politique et institutionnelle.

Sous la Terreur, le gouvernement révolutionnaire concentre la réalité des pouvoirs. Sous le Directoire, l’apparition d’un ministère dédié à la police souligne, a contrario, la lourdeur et la complexité de la nouvelle architecture institutionnelle qui peine à se dessiner. Les institutions de la France moderne restent à construire : ce sera, à partir du 18 Brumaire, l’œuvre immense du Consulat et de l’Empire.

Bonaparte reprend les grandes réformes révolutionnaires, en particulier, la création du département, pour édifier une nouvelle constitution administrative dont les préfets formeront le bras armé. Mais le ministère de l’Intérieur, porté souvent par des exécutants et doté de compétences encore très mouvantes, existe difficilement face au puissant ministère de la Police générale incarné longtemps par un homme : Fouché.

Après les Cent-Jours et la chute définitive de l’Empire, la France connaît une histoire politique et institutionnelle moins troublée, mais toujours marquée par une forte instabilité : restauration des Bourbons, révolution de 1830, monarchie de Juillet, révolution de 1848, seconde République, Second Empire…

La France connait quatre régimes et trois révolutions en cinq décennies, mais aussi l'apprentissage des libertés parlementaires et la première expérience de suffrage universel. Ce sont des temps de grande instabilité constitutionnelle, mais aussi de réelle stabilité administrative.

Le ministère de l’Intérieur conserve un périmètre étendu, reste bien le domaine des « affaires du dedans », mais affirme aussi son rôle plus spécifique en matière d’ordre public et d’administration du territoire.
Son importance politique s’affirme à travers quelques personnalités majeures. Guizot ou Thiers par exemple s’attachent à structurer et renforcer l’organisation d’un ministère dont l’identité n’est plus contestée. La dimension très politique qui s’attache aux opérations électorales, à l’action de la police et à celle des préfets continue de marquer l’image de cette grande administration, comme le montre la période du Second Empire, riche, par ailleurs, en réflexions sur l’administration du territoire et la réforme administrative.
 

Pendant près de sept décennies, en dépit d’une histoire souvent mouvementée et traversée par l’immense effort collectif de la Grande Guerre, la IIIe République permet au ministère de l’Intérieur de devenir la grande administration républicaine tant attendue.

Après des débuts difficiles, les pères fondateurs du régime républicain parviennent à stabiliser et à professionnaliser les structures du ministère. Néanmoins, à mesure que les interventions de l’État dans la société se développent et se diversifient, son périmètre, après s’être longtemps étendu, va progressivement se réduire et se concentrer sur ses grandes fonctions modernes :

  • l’ordre public, avec l’émergence progressive de la sûreté nationale,
  • l’administration du territoire,
  • les libertés publiques.

L’Intérieur devient l’un des portefeuilles les plus convoités par les grandes figures politiques du temps, notamment lorsqu’elles accèdent à la direction du Gouvernement.
L’héritage napoléonien demeure : puissance des préfets dans une France restée très centralisée, importance de la police dans un contexte politique marqué par des attaques régulières contre la démocratie républicaine - boulangisme, affaire Dreyfus, action des ligues dans les années trente. Mais cet héritage est peu à peu républicanisé.

L’instabilité ministérielle est certes constante, mais tempérée par l’action personnelle de quelques grands ministres, ainsi que par les fonctionnaires du ministère, qui, portés par des réformes souvent de grande ampleur, assurent la continuité de l’action publique.

Le 10 juillet 1940, la majorité des parlementaires remettent les pleins pouvoirs au Maréchal Pétain. La France n’est plus en République même si le Sénat et la Chambre des députés n’ont pas été dissous.

Le territoire français est occupé aux trois cinquièmes par l’armée allemande. Le destin du pays et les conditions de la paix futures sont imprévisibles. Pourtant, le nouveau régime prétend administrer la France et lance des réformes administratives (création des préfets régionaux, étatisation de la police) dont certaines avaient été préparées avant-guerre. Il maintient le département, comme si la vie continuait normalement. Dans le même temps, il s’engage dans une collaboration d’État avec l’Allemagne, jeu de dupes qui transforme progressivement les structures gouvernementales en auxiliaires de l’Occupant. Dans ce contexte, cinq personnalités se compromettent lourdement avec les nazis en occupant le poste de ministre de l’Intérieur au sein du gouvernement de Vichy :

  • Adrien Marquet
  • Marcel Peyrouton
  • François Darlan
  • Pierre Pucheu
  • Pierre Laval.

Cet engagement dans la collaboration conduit notamment, les 16 et 17 juillet 1942 à Paris, à la Rafle du Vel d’Hiv au cours de laquelle la police française arrête près de 13 000 juifs, en principe de nationalité étrangère ou apatrides, hommes, femmes et enfants.
Comme l’a rappelé le président Jacques Chirac dans son discours du 16 juillet 1995, la France, répondant aux exigences des nazis, accomplissait l’irréparable. « Suivront d’autres rafles, d’autres arrestations, en zone Nord, à Paris et en province. Soixante-quatorze trains partiront vers Auschwitz. Soixante-seize mille déportés juifs de France n’en reviendront pas».

À partir de novembre 1942, la France est entièrement occupée et le régime évolue rapidement vers une complicité de plus en plus affirmée. De nombreux fonctionnaires de tout niveau – dans la police ou le corps préfectoral – participeront directement à la Résistance ou s’efforceront d’entraver, par une action discrète et quotidienne, cette évolution qu’ils jugent déshonorante. 

Le général de Gaulle et la France Libre organisent les premiers éléments d’un gouvernement qui, à Londres puis Alger, prend une consistance croissante en liaison avec la Résistance intérieure.

Le gouvernement provisoire de la République française, installé à Paris le 4 septembre 1944, est un gouvernement à part entière dans une France en voie de libération. Il prend le contrôle du pays, lance les premières grandes réformes et prépare le retour à la vie démocratique.

En dépit des programmes ambitieux élaborés par la Résistance, la France ne parvient pas à se doter d’institutions politiques stables et durables. Après le départ du général de Gaulle en janvier 1946, la IVe République naît dans une relative indifférence et semble surtout le fruit d’un compromis entre les forces politiques dominantes.

L’instabilité gouvernementale fait d’autant plus sentir ses effets que la France est rapidement confrontée aux tragédies de la décolonisation : guerre en Indochine jusqu’en 1954, guerre d’Algérie à partir de novembre de la même année. Paradoxalement, la France n’a jamais été aussi bien administrée. La réforme de l’État mise en œuvre en 1944-1945 porte ses fruits et permet au pays de se reconstruire. Le ministère de l’Intérieur participe activement à la modernisation du territoire, tout en étant accaparé par de très lourdes missions d’ordre public.

Le retour au pouvoir du général de Gaulle et l’instauration de la Ve République apportent enfin la stabilité des institutions. Entre 1958 et la fin des années 70, l’administration française, portée désormais par une prépondérance forte de l’exécutif, est plus active et puissante qu’elle ne l’a jamais été. Le ministère de l’Intérieur est clairement en charge de l’ordre public et du développement du territoire, dans un cadre centralisé, avec des préfets aux pouvoirs renforcés. Mais cette organisation, si active et efficace en elle-même, devient de plus en plus pesante pour une société qui aspire à plus d’autonomie et de libertés. Les événements de mai 68 représentent un premier avertissement, qui commence d’être pris en compte sous le septennat de Valéry Giscard d’Estaing. Mais c’est François Mitterrand, élu président de la République le 10 mai 1981, qui décide d’une véritable révolution administrative : la décentralisation.

La mise en œuvre des lois de décentralisation (1982) a entraîné une évolution profonde dans la mise en œuvre des politiques publiques sur le territoire. Mais elle n’a pas remis en cause la vocation générale du ministère de l’Intérieur en matière de protection des libertés, de garantie de l’ordre public, de sécurité civile et d’impulsion de l’action publique.

L’acte II de la décentralisation, décidé sous la présidence de Jacques Chirac, a approfondi le mouvement engagé en 1982-1983. Toutefois, la répartition des compétences entre collectivités territoriales a gagné en complexité et n’a cessé de mettre en lumière le rôle nécessaire de coordination qui incombe à l’État, et plus particulièrement au ministère de l’Intérieur.

Un réel volontarisme s’est affirmé dans ce domaine au cours des années 2000. La Police nationale a connu également des réformes importantes, notamment en termes de modernisation des méthodes de gestion et d’organisation des corps et carrières.

Le périmètre du ministère a été considérablement élargi au cours de la période
récente, avec l’intégration de la Gendarmerie nationale et le rattachement de l’administration de l’immigration et de l’intégration.
 

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